Batailles et blindés hors-série n°13, "Panther au combat"

Publié le par comprendreletotalitarisme

Panther au combat

 

- « Panther au combat », Batailles et blindés Hors-série n°13 (juillet-août 2010), édition Caraktère.

 

Des canons. Des avions. Des chars. L'histoire de la guerre moderne laisse malheureusement une grande place aux engins de mort de toutes sortes et de tous calibres. Il n'est qu'à recenser le nombre de victimes de la Seconde Guerre mondiale, plus de cinquante millions d'êtres humains, dont quatre-vingt pour cent étaient de simples civils, pour se convaincre de leur énorme potentiel de destruction mais aussi comprendre les racines de l'espèce de fascination emplie de crainte qu'elles ne cessent d'inspirer. Nombre de magazines ne manquent par conséquent pas de tenter de satisfaire la curiosité du grand-public à leur égard. Malheureusement pas toujours de manière très sérieuse. Certains se contentant bien souvent de compiler des tables de caractéristiques, souvent accompagnées de plans, de photos d'époque ou de dessins plus ou moins précis, sans jamais produire le moindre effort d'analyse et de synthèse de l'ensemble des informations présentées.

Avouons le sans détour, ce n'est pas le cas de celui qui nous intéresse aujourd'hui. L'auteur principal, apparemment historien anglo-saxon des éditions Caraktère, nous livre en effet une analyse assez complète, même si elle ne parvient pas vraiment à éviter quelques redondances, notamment au niveau des informations fournies ; ce qui nous fait soupçonner une réunion pour la circonstance d'écrits par ailleurs épars. Mais qu'importe en fin de compte, tant la lecture qui s'ouvre à nous apparaît instructive. Car, le « panther », monstre mécanique de plus de trente-cinq tonnes se propulsant à 30 km/h sur route et de plus armé de canons (de calibre variable selon les modèles) capables de pulvériser n'importe quel ennemi sur une distance supérieure à 1500 mètres, s'il laissa bien souvent un sillage sanglant sur son passage, fut pour cette raison même un acteur majeur de l'affrontement total auquel se livrèrent alors les belligérants. A ce titre, l'histoire de ce « PanzerKampfWagen V », les méandres de sa conception tout autant que les détails de son parcours au combat, se révèlent riches en enseignements, surtout pour qui s'intéresse en particulier à la dimension politique, et partant philosophique, de l'histoire du XXe siècle. L'affiliation peut, il est vrai, paraître peu évidente de prime abord. Pourtant, elle est bien réelle, tant les ambitions qui présidèrent à l'élaboration de ce « char moyen » trahissent les réalités sous-jacentes aux régimes totalitaires, et en premier lieu cette volonté inébranlable de concentrer la puissance et le pouvoir afin de les projeter vers l'avant, dans une chevauchée apocalyptique que seule une « Némésis » finale parvient à endiguer.

De manière indéniable, cette constante dans l'approche de la guerre mécanique unit ce type de pouvoirs, par delà même leurs oppositions idéologiques. Cependant, l'étude du Panther est révélatrice d'une autre réalité, tout aussi intéressante. Car, en étant amené à détailler les forces et faiblesses du matériel opposé à ce char, il est possible de s'apercevoir, en quelque sorte par ricochet, qu'une lecture commune de l'offensive mécanisée unissait de même les démocraties coalisées (États-Unis et Royaume-Uni pour l'essentiel). En effet, elles développèrent en général une perception plus mesurée des réalités de la guerre moderne. Du moins dans le domaine très pointu de la constitution de forces blindées. En ce sens, ces belligérants, que rapprochait un système politique dans l'ensemble équilibré, modérèrent leurs ambitions dans l'optique d'une maximisation des capacités productives. Il n'est qu'à comparer le profil des « Sherman Firefly » américains et autres « Comet » anglais à celui des ogres soviétiques (« T34/85 ») ou allemands (« Panther » ou « Tigre ») pour s'en convaincre de manière définitive. En résumé, les régimes totalitaires misèrent en général sur la puissance, voir la lourdeur, gage à leur yeux d'invulnérabilité. Par ailleurs, ils se soucièrent au moins autant du potentiel de destruction de leurs légions mécanisées : aucun canon de leurs chars moyens ne se révélant d'un calibre inférieur à 75 mm. Au contraire, les nations démocratiques optèrent, elles, pour des modèles nettement sous-dimensionnés en terme de poids, mais aussi de puissance de feu et d'épaisseur des blindages embarqués. Bien entendu, cela leur imposait un désavantage stratégique certain face à la redoutable morsure de leurs puissants ennemis. Mais, conséquence heureuse, bien que prévisible, leurs capacités de production s'en trouvèrent accrues. En outre, le taux d'attrition, en clair le nombre de véhicules revenus en atelier et donc dans l'incapacité de combattre, s'avéra nettement moindre sur les machines alliées, ce qui contribua fortement à améliorer la cohésion de leurs divisions blindées et, en définitive, concourut puissamment à affermir leur supériorité offensive au sol.

Bien sûr, les innovations technologiques et techniques induites par la mise au point des géants mécaniques soviétiques et nazis furent loin d'être négligeables. Elles portèrent sans aucun doute notre maîtrise industrielle à un haut degré de sophistication et permirent sans conteste d'introduire une série non négligeable de progrès techniques, notamment après-guerre. Il n'en demeure pas moins que leur empreinte sanglante effara un monde que rien ne préparait à subir les coups de canon de ces invulnérables mastodontes de métal. A ce titre, si l'intérêt pour ce type de machines peut se justifier dans le cadre d'un projet d'explication et de mise en perspective de ce que fut la guerre mécanique moderne, ou même de ce qu'imposèrent dans ce domaine les pouvoirs totalitaires, il faut quoi qu'il en soit prendre garde à ne pas oublier leur finalité barbare, c'est à dire la destruction et l'anéantissement de l'Homme par l'Homme. Fort heureusement, les analyses ici produites par Laurent Tirone et Hughes Wenkin, même si elles livrent nombre d'anecdotes relatant des faits d'armes sanglants et sont accompagnées d'une généreuse documentation photographique mettant forcément en scène des unités nazies de sinistre mémoire (la SS « Das Reich » pour ne citer qu'elle), évitent globalement cet écueil. Ce qui, allié à l'ouverture du champ de notre réflexion qu'elles impulsent, en justifie en définitive une lecture attentive.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article